Has any word in recent times attracted as much attention and caused as much grief as racaille, used by Nicolas Sarkozy on Oct. 25 in Argenteuil? -- Mark Jensen takes a closer look at the word and its use....
THE POLITICS OF INSULT AND DEGRADATION: LA RACAILLE
By Mark Jensen
November 10, 2005
For the past two weeks, French society has been thrown into crisis -- a crisis that might never have happened if, on Oct. 25, France's minister of the interior had decided to say, perhaps, ces gens, instead of what he did say: cette racaille.
In France, commentaries on Nicolas Sarkozy's use of the insultingly pejorative noun racaille to refer to youth causing problems in the French banlieues have often attributed to him a deliberate choice. His refusal to apologize or retract the term, despite widespread criticism, has led to speculation that he deliberately sought to provoke events that might serve his own political ambitions.
There are certainly grounds for asking this question. The first article reproduced below, is from an official UMP web site, and shows how Sarkozy's remark is being promoted by his political party.[1] A second article reveals that UMP political operatives actually bought "racaille" as a Google Adword to advertise a pro-Sarkozy petition on the official UMP website, then tried to deny it and cover it up afterwards.[2]
What happened, exactly, to cause all the fuss?
Nicolas Sarkozy, on October 25, 2005, spoke to residents in the "Grande Dalle" neighborhood of Argenteuil, a Paris suburb. There he said, apparently: "On va vous débarrasser de cette racaille," or else "On va vous débarrasser de toute cette racaille."
The word racaille has almost universally been translated as "scum" in the English-speaking media. French-English dictionaries translate it variously as "rabble, riffraff" (HarperCollinsRobert, 5th ed. rev., 1998; Harrap's, 1982), "Trash, rubbish (choses); rabble, riff-raff (gens); dregs, scum (de la population)" (Larousse, 1960). Its general connotation is "the lowest of the low."
Curiously enough, racaille has the same etymological origin as the English word rascal, which now has a connotation of charming mischeviousness in English. This was not the case in the Middle Ages, when "yee wrecchid rascaille" (1415) had same connotations as racaille today in France. The movement toward a non-opprobriousness began in the early 17th century in English, according the Oxford English Dictionary. Such an evolution in French would probably be more difficult, where a host of pejorative words and expressions begin with the harsh syllable ra-: rat, ras-le-bol, raté, raton, and râler, for example, to name a few. In any event, the word racaille retains in French, as the events of the past two weeks show, a tremendous capacity to wound. And no wonder: French dictionaries define it as "low-class people worthy of contempt" (Robert) or as "a social reject, that which is most vile" (Larousse). (The word can designate both an individual and, collectively, a class.)
Robert's Dictionnaire historique de la langue française gives the following history of the word racaille:
"RACAILLE, feminine noun, a simplification (late 12th c.) of rascaille (around 1138, in Anglo-Norman), derives from an old Anglo-Norman and Norman verb *rasquer, attested indirectly by the Old Provençal rascar, 'to scrape', the Liégois word rahî, the Angevin word râcher, meaning 'to comb linen,' etc. These forms go back to the Vulgar Latin *rasicare, a variant of the Imperial Latin rasitare, meaning 'to shave often,' a frequentive of the Latin radere (which became raser in French), formed its verbal substantive rasum. *Rasicare also produced the Spanish, Catalan, and Portuguese rascar, 'to scrape,' the Sardinian rasigare, etc. The verb, applied to persons, has taken on the pejorative sense of 'to indulge in tumultuous and noisy acts,' emphasized in its turn by the substantive with the suffix -aille; it is also possible to proceed from the idea of "raclure," 'scraping,' to that of 'reject, worthless persons.' The English rascal, 'worthless person,' comes from the old form rascaille. -- The word designates collectively the rejects of society, whence its use to designate a category of persons that are despised (a use attested before 1672). In its meaning and its form, it is close to canaille. Its extension to rejected objects, recorded by Furetière (1690), survives only in regional speech" (Dictionnaire historique de la langue française, rev. ed. [Paris: Dictionnaires Le Robert, 1995]. pp. 1698-99).
The presidential hopes of Nicolas Sarkozy probably now chiefly depend, at present, on this single word. Will Sarkozy be viewed favorably by the French public, like the sergent de ville who "intervint comme un dieu d'Homère dans la mêlée et dispersa toute cette racaille à coups de baton" in Alphonse Daudet's Tartarin de Tarascon? Or will he himself be adjudged to part of that "racaille d'esprits malins" that René Descartes so detested, according to his biographer Adrien Baillet?
Nicolas Sarkozy, for his part, has already decided to adopt a hard line. This evening, on the "A vous de juger" program on France 2, he repeated his offensive remarks: "Ceux qui ont tiré à balles réelles à hauteur de tête sur les forces de l'ordre, ceux qui ont brûlé le bus où il y avait cette handicapée de 56 ans, (. . .) ceux qui ont caillassé un bus pour mettre à l'hôpital un gosse de 18 mois . . . Quand je dis ce sont des voyous ou des racailles, je persiste et je signe, et en aucun cas dans mon esprit, ça veut dire tous les jeunes."[3]
--Mark Jensen is Associate Professor of French in the Department of Languages and Literatures at Pacific Lutheran University in Tacoma, WA.
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1.
SARKOZY À ARGENTEUIL: 'ON VA VOUS DÉBARRASSER DE CETTE RACAILLE'
Par Michel Bissirier
UMP Boulogne-Billancourt
27 octobre 2005
http://umpboulogne.blogs.com/92/2005/10/_sarkozy_argent.html
“Puisque ma visite à Argenteuil a tellement plu, j'y retournerai.” C'est ce qu'a annoncé hier Nicolas Sarkozy, au lendemain d'un déplacement houleux dans cette ville du Val-d'Oise.
Le ministre, visé par des cris hostiles, ponctués par le jet de projectiles divers, dont des bouteilles en plastique, voulait se rendre compte de la mise en place du nouveau dispositif contre les violences urbaines?
“Je vous annonce que j'irai systématiquement dans les quartiers les plus difficiles et j'y resterai le temps nécessaire”, a-t-il également prévenu, à l'issue du Conseil des ministres. Nicolas Sarkozy est “très heureux du dialogue avec les habitants: ils m'ont dit qu'ils avaient peur, qu'ils en avaient assez et qu'ils voulaient que ça cesse.” “On va [?] vous débarrasser de cette racaille,” a-t-il lancé, mardi soir, aux habitants du quartier de la “Grande Dalle,” où il a promis de revenir “dans une quinzaine de jours.”
Mais le ministre a assuré qu'il ne ferait “aucun amalgame en confondant les jeunes et les voyous” en soulignant qu'il avait “promis aux habitants des quartiers qu'ils auraient droit à la même sécurité que tous les autres Français.”
“Nous sommes en train de démanteler l'économie souterraine et de mettre fin aux agissements d'un certain nombre de voyous. Que cela ne leur fasse pas plaisir, c'est certain, mais ce n'est pas fait pour ça.”
2.
L'UMP RENCHÉRIT SUR 'RACAILLE' POUR SOUTENIR SARKOZY VIA GOOGLE
Par Estelle Dumout
ZDNet France
7 novembre 2005
http://www.zdnet.fr/actualites/internet/0,39020774,39285264,00.htm
Société -- Le parti de la majorité confirme avoir mené une campagne marketing en utilisant le système de liens sponsorisés Adwords de Google. Des mots-clés évoquant la situation de violence dans les banlieues pointent vers une pétition de soutien à Nicolas Sarkozy.
En tapant «violence», «émeutes», «banlieue», «voitures brûlées», ou encore «racaille» dans le moteur de recherche de Google, nombre d'internautes ont eu, ce week-end, la surprise de voir apparaître un lien publicitaire pointant directement sur le site officiel de l'UMP. Plus précisément sur une pétition de soutien «à la politique de fermeté» de son président, le ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy, face aux affrontements dans les banlieues.
Marketing politique ou mauvaise blague d'internautes revanchards (et fortunés...) après la campagne d'e-mailing controversée réalisée par le parti de la majorité début octobre? Renseignements pris auprès de l'UMP, il s'agit effectivement d'une campagne orchestrée par le prestataire technique officiel de l'UMP, l'Enchanteur des nouveaux médias.
Cette agence n'en est pas à son coup d'essai en matière de marketing internet. Lors de la précédente élection présidentielle, elle s'était illustrée en créant Gauchestory.com, un site pastiche du Loft de M6, qui mettait en scène avec humour les candidats de la gauche plurielle.
«Depuis le début des émeutes, nous avons reçu beaucoup d'e-mails de soutien, et de nombreux élus ou des militants ont fait circuler au total dix-sept pétitions pour encourager Nicolas Sarkozy», explique à ZDNet.fr une porte-parole du parti. «Nous avons donc demandé à notre prestataire technique de canaliser les demandes, de façon à ce que lorsque les internautes font des recherches sur l'UMP et sur les violences, ils tombent sur un texte [officiel]».
3.000 signataires de la pétition en deux jours
Le prestataire technique s'est donc tourné vers Google, et son système Adwords, qui permet d'enchérir sur certains mots-clés pour faire apparaître des liens sponsorisés lors des requêtes des internautes. «Nous avons acheté trois familles de mots-clés», confirme de son côté Arnaud Dassier, directeur de l'Enchanteur des nouveaux médias: «Des mots-clés politiques, d'autres qui ont trait à la personne de Nicolas Sarkozy, et enfin des mots-clés sur le thème des banlieues.»
Sur ce dernier point, il s'agit d'une expérimentation qui a débuté ce week-end, explique-t-il, pour déterminer quel trafic ce genre de mots-clés pouvait amener sur la pétition. Et le résultat ne s'est pas fait attendre: «Nous avons des taux de clics bien supérieurs à la moyenne, avec des pointes à 10% ou 15% parfois», poursuit Arnaud Dassier. Lundi 7 novembre, en début d'après midi, plus de 12.000 personnes avaient atterri sur la pétition via ces liens, et 3.000 avaient rempli le formulaire.
Pour le directeur de l'Enchanteur des nouveaux médias, il n'y a aucun problème éthique à utiliser ces registres sémantiques pour générer plus de trafic sur un site politique: «Ce sont des mots que les gens utilisent tous les jours, qu'ils lisent dans les journaux». D'ailleurs, la presse elle-même ne se prive pas d'utiliser des méthodes semblables, pointe-t-il: le Nouvel Obs apparaît lui aussi en lien sponsorisé lorsqu'on tape les mots-clés «banlieue» ou «cités».
La campagne continue tant que les évènements dureront
Arnaud Dassier réfute toutefois avoir sciemment posé une enchère sur un terme comme «racaille». Le prestataire désigne comme responsable le système Adwords de Google: pour chaque mot-clé, il propose une liste de synonymes ou de champs lexicaux voisins pour lesquels le lien sponsorisé apparaîtra également.
«Nous avons nettoyé énormément ces propositions, dans lesquelles apparaissaient des termes bien pire que racaille, et nous n'avons jamais eu l'intention de laisser le mot-clé racaille passer», garantit-il. Pourtant, comme le montrent nos captures d'écran réalisées lundi matin (voir au bas de l'article), le lien sponsorisé de l'UMP apparaît bien lors d'une requête sur ce terme. En outre, nous avons effectué un test sur Adwords, au terme duquel il ressort que l'achat d'un mot clé (en l'occurence "racaille") ne peut s'effectuer que s'il est expressement sélectionné par l'annonceur.
Contacté par ZDNet.fr, Google France n'a pas retourné nos appels.
En cours de journée, le lien sponsorisé UMP ne s'affichait plus suite à la requête "racaille." Les autres liens ont également temporairement disparu en cours de journée: «Ils ont eu tellement de succès qu'ils ont fait exploser le système, il s'agit d'un problème technique», avance la porte-parole de l'UMP. Mais la campagne ne va pas s'arrêter pour autant, et les liens sponsorisés devraient réapparaître: «Elle se poursuivra tant que les évènements durent, tant que les Français sont inquiets et cherchent des informations sur ce sujet», assure Arnaud Dassier.
http://www.zdnet.fr//i/edit/39285264/vb.jpg
3.
À la une
NICOLAS SARKOZY 'PERSISTE ET SIGNE' CONTRE LES 'VOYOUS'
Reuters
10 novembre 2005
PARIS (Reuters) -- Le ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy a de nouveau dénoncé jeudi les "voyous" et la "racaille" responsables de l'insécurité dans les quartiers sensibles, se défendant de tout amalgame avec les jeunes.
"Ceux qui ont tiré à balles réelles à hauteur de tête sur les forces de l'ordre, ceux qui ont brûlé le bus où il y avait cette handicapée de 56 ans, (. . .) ceux qui ont caillassé un bus pour mettre à l'hôpital un gosse de 18 mois . . . Quand je dis ce sont des voyous ou des racailles, je persiste et je signe, et en aucun cas dans mon esprit, ça veut dire tous les jeunes," a-t-il déclaré dans l'émission "A vous de juger" sur France 2.
Nicolas Sarkozy faisait référence à des incidents survenus ces deux dernières semaines dans les quartiers sensibles, où 3.000 personnes ont selon lui été interpellées.
"Il faut arrêter de parler des jeunes, parce que parler des jeunes, c'est créer les conditions d'un amalgame odieux.
"Quand j'ai parlé de 'racaille', on a compris que j'étais déterminé à débarrasser nos quartiers de minorités qui rendent la vie impossible à la majorité," a insisté le ministre, reprenant des expressions qui lui ont été beaucoup reprochées ces dernières semaines.
Selon un sondage BVA pour Le Figaro et LCI, 56% des Français approuvent toutefois l'attitude du numéro deux du gouvernement.
De l'avis de Nicolas Sarkozy, la France vient de vivre "une crise parmi les plus difficiles qu'un gouvernement ait eu à affronter." Les violences qui secouent les banlieues chaque nuit depuis le 27 octobre ont conduit le gouvernement à prendre des mesures d'urgence prévoyant notamment le recours au couvre-feu.
"Les choses s'apaisent et ça ne veut pas dire que ça ne peut pas se reproduire," a prévenu le ministre. Il a insisté sur la nécessité d'une "politique de rupture avec ce qui a été pratiqué depuis 40 ans dans notre pays, et qui a échoué," ajoutant que la question ne pouvait être ramenée "au seul problème de l'argent."
Le changement passe selon lui par un retour des forces de l'ordre dans les banlieues. "On ne dira jamais assez les ravages du sentiment d'impunité pour une minorité de voyous," a-t-il dit, dénonçant "une minorité qui ne veut ni formation ni boulot et qui empoisonne la vie des autres."
"Il faut accepter que la police fasse son travail et sorte de ces cités des gens qui ne sont ni plus ni moins que des délinquants qui vivent d'une économie parallèle, qui empêche l'économie réelle de se développer dans ces quartiers."
LA POLICE DOIT ÊTRE IMPECCABLE
Le ministre a salué le travail des forces de l'ordre et assuré que "jamais les Français n'ont autant soutenu la police et la gendarmerie."
Evoquant la bavure qui a conduit jeudi à la suspension de huit policiers, il a affirmé avoir demandé à la police d'être "impeccable." "Je n'accepterai aucun débordement des forces de l'ordre."
"Quand on n'a rien à se reprocher, on n'a pas à avoir peur de la police," a-t-il répondu à des jeunes qui reprochent aux policiers de contrôler trop souvent les étrangers dans la rue.
Le ministre a souhaité avoir recours à la "discrimination positive" pour que les minorités soient mieux représentées au niveau des cadres dans la police.
Nicolas Sarkozy a évoqué le "problème considérable" de l'intégrisme dans les cités. "Les gens qui appellent à la violence et au meurtre sont aussi coupables que ceux qui la pratiquent." Il a aussi déploré que certains jeunes d'origine étrangère soient moins bien intégrés que leurs parents.
"Il y a plus de problème pour un enfant d'un immigré d'Afrique noire ou d'Afrique du Nord que pour un fils de Suédois, de Danois, ou de Hongrois. Parce que la culture, parce que la polygamie, parce que les origines sociales font qu'il a plus de difficultés," a dit Nicolas Sarkozy, qui est lui-même d'origine hongroise.
"Je ne voudrais pas que dans cette crise, encore une fois, l'immigré devienne le responsable de toutes les situations," lui a répondu le socialiste Julien Dray. "La responsabilité, elle est d'abord et avant tout une crise sociale majeure qui a parqué les populations."
Nicolas Sarkozy, qui a demandé mercredi l'expulsion de tous les étrangers condamnés pour avoir participé aux violences de ces dernières semaines, a rappelé qu'être Français était une question de "droits" et de "devoirs".
"Si vous voulez avoir les droits des Français, vous devez en accepter les devoirs", a-t-il souligné. "Il faut arrêter de croire qu'on peut aider tout le monde, y compris ceux qui ne sont pas décidés à s'en sortir par eux-mêmes."